Ar Fulukin

 

 

 

Peintre, sculpteur et poète, Ar Furlukin aime les radis. Alors il les peint, les sculpte, les écrit... avec boulimie, en long, en rond, en large et en travers...

Pour entrer dans l’univers d’Ar Furlukin, il vous suffit de regarder ses tableaux colorés et joyeux et de lire ses livres. Si au préalable, vous êtes Breton, vous comprendrez qu’Ar Furlukin est en français « le fou du Roi ». Le roi, c’est le lecteur.

 


Les extraits


J'aime les gens. commander le livre

 

Un printemps à Paris en cette fin de vingtième siècle. C’est bientôt l’heure, et je dois ouvrir les portes de ce restaurant à l’architecture "High Tech” tout en fer, en verre et en lumière. Les clients se pressent déjà à proximité de l’entrée, sur le trottoir de l’avenue d’Italie. L’attente va être de courte durée. Un habitué solitaire en profite pour ouvrir son journal (les téléphones portables n’existaient pas encore). Des couples d’amoureux se mangent des yeux, d’autres s’approchent des larges baies vitrées de la façade pour regarder à l’intérieur : la curiosité est bien l’un des moteurs du plaisir. La radio diffuse un air de jazz. Les chefs de rang sont au garde à vous, le petit doigt sur la couture du pantalon. Je déclenche l’ouverture et bloque le mécanisme automatique du sas. C’est la ruée… Il faut canaliser cette foule empressée, sur trois niveaux de restauration consacrés exclusivement au poisson : une brasserie de grillades et de fruits de mer, au rez-de-chaussée ; un espace gastronomique et contemporain, avec tables en marbre et toiles de Chabardin à l’étage ; plus haut encore, le comptoir sinusoïdal agrémenté de hauts tabourets de bar, pour déguster quelques salades de poissons crus…

 

Dans ce temple des produits de la mer, des employés de bureau ingurgitent rapidement quelques sushis. Des familles de provinciaux ne se lassent pas, pendant tout le repas, du spectacle coloré de la rue : ils s’imaginent devant un tableau de Raoul Dufy, filmé par Jacques Tati. Des hommes d’affaires discutent âprement sans porter beaucoup d’attention à leurs assiettes. De belles parisiennes viennent entre copines picorer quelques crevettes sur du pain Poilane, en dégustant des Maï Taï… Des touristes de toutes nationalités admirent les étalages impressionnants de la poissonnerie : sur lit de glace en paillettes sont disposés des soles, des turbotins, des rougets, des requins, des rascasses, des roussettes, un espadon au long rostre et des crevettes de toutes tailles et de toutes couleurs. Une multitude de poissons en attente de dégustation…

 

L’écailler fait son show devant les yeux écarquillés des enfants, ouvrant des huîtres aux yeux bleus et des tourteaux aux pinces charnues ; installant sur de superbes plateaux à étages une profusion de langoustines "en hirondelles", de clams, de praires, de violets et d’oursins. Tout au long du service le Muscadet coule à flots, de table en table, de verre en verre. L’assistance s’égaye, les conversations se font moins discrètes, les rires fusent, les regards s’illuminent. Les toasts se succèdent dans toutes les langues : " Salud !" pour l’espagnol, "Kippis !" pour le finlandais, "Skål !" pour le nordique, "Kampaï !" pour le japonais. Trinquer est une coutume bien partagée. L'alcool fait son effet, agréable ou dévastateur, levant les inhibitions psychologiques ou rendant malade, c'est selon. Le jeune homme de la 7, gominé, lunettes rondes et costume de premier communiant, ose enfin déclarer sa flamme à sa dulcinée, robe à fleurs et queue de cheval. Le représentant en bijouterie fantaisie de la 24 a un peu trop abusé : le pied plus très sûr, il rate la marche en voulant accéder aux toilettes ; la chute est sans gravité, mais, devant le public qui s'en amuse, son visage s'empourpre, un peu de honte vite passée. Voilà les deux italiens, amateurs d'aquavit, qui n'aiment pas les chiens ou du moins leur présence dans un restaurant. Heureusement, madame "citron" et son loulou de Poméranie sont en vacances. Régulièrement vêtue de jaune, madame "citron" est une habituée qui réserve toujours et demande qu'on lui prépare une pâtée spéciale pour son animal favori : filet de bœuf, haricots verts et riz. C'est le seul client qui a droit à la viande ici. Il y a parfois des chiens qui mangent mieux que des gens, c’est déconcertant !...

 

De temps à autre, dans cette ambiance marine, voire sous-marine grâce au vivier à homards, il y a des soirées mémorables...

 


Les Radi…euses.    Commander le livre

 

La ville.

 

C'est une ville-miracle, Majesté, un cocktail enivrant de fenêtres aux reflets changeants. Un patchwork coloré et multiforme. Une mosaïque d’espaces verts. Un assemblage d'architectures toujours plus belles, toujours plus hautes... Oui, Rennes est une ville à étages et cette verticalité est source de bien des mystères. Derrière ses façades se superposent des univers troglodytes, en un labyrinthe de vies dans lequel s'entrechoquent les époques et s'entrecroisent les destins... Une ville bouillonnante où les gens s'agitent, les lumières crépitent et les histoires s'ébruitent. Une ville moderne dans laquelle musiques et mouvements se mêlent dans la danse sensuelle d'un concert perpétuel. Une ville très féminine, par son nom, par les rondeurs de son relief, par les courbes sinueuses de ses rues pavées, par le corset asphalté qui enserre ses antiques murailles, par l'ourlet fluvial sur sa robe de pierre. Une ville séductrice par ses multiples attitudes, parfois en retenue, parfois exubérante. Suivant l'heure du jour ou de la nuit, elle peut se montrer cajoleuse ou frémissante, rêveuse ou excitante.

 

Au fil des époques, des paysans l'ont amadouée, des artisans l'ont domestiquée, des bourgeois l'ont domptée, des architectes l'ont façonnée, des urbanistes l'ont habillée, des graffeurs l'ont maquillée et des balayeurs l'ont époussetée. Il y a toujours eu du monde pour s'occuper d'elle, même avant l'immobilisation de la cavalerie des Redones. En ce lieu de confluence, les fées d'un autre âge se sont penchées sur son berceau ; car avant de se retrancher en Brocéliande, il y avait toute une population d'elfes et de korrigans qui gambadait ici. Puis après les animaux et le petit peuple, nos civilisations humaines ont pris le contrôle du territoire et l'Histoire s'est arrimée aux rives de l'Ille et de la Vilaine. Des dizaines de générations se sont succédé en ces lieux et y ont laissé leur trace. La cité s'est abreuvée du sang d'ancêtres venus d’Asie et plus récemment de la sueur de ceux venus d’Afrique. Elle a apprivoisé le paysage pour accueillir des voyageurs de passage et d'autres qui sont restés. Petite, elle était déjà industrieuse. Elle a d'abord creusé la terre pour se nourrir et se protéger. Puis elle a superposé des pierres, sculpté du bois, taillé de l'ardoise, forgé du fer. Elle veut toujours être attrayante et suivant les fluctuations des modes, elle y arrive assez bien. Même si aujourd'hui elle semble trop minérale pour certains et manque de fantaisie pour d'autres, elle sait de toute évidence, se rendre attachante.

 

Aujourd'hui, c'est une grande fille sage mais pas austère pour autant. Il faut juste parfois aller lui chatouiller les dessous. Elle a grandi autour de ses églises, de ses couvents, de ses marchés et de ses manufactures. Elle a prolongé des impasses qui sont devenues des faubourgs. Elle a comblé des ruisseaux pour édifier des buildings. Elle a coupé des arbres pour laisser passer des carrosses. Elle a transformé des prisons en théâtres et des bicoques en parkings. Elle n'en finit pas de se faire des liftings. Elle se fait belle pour attirer le chaland et elle polit sa beauté intérieure, avec l'intelligence de celles qui prennent le temps. Elle fait aussi preuve de la force de caractère de celles qui subirent des traumatismes et porte avec dignité sur ses monuments les stigmates de révolutions, d'incendies et d'inondations. Son histoire fait partie de sa beauté, et ce n'est pas pour rien qu'elle arbore à son revers le badge d'une ville « d'Art et d'Histoire ». Des histoires, elle en raconte à profusion derrière ses murs, dans ses noms de quartiers, gravées dans la pierre ou sur les plaques émaillées. Des petites histoires qui se mêlent à la grande, pour le bonheur des guides conférenciers. Dans la garde-robe des siècles passés, l'Histoire est comme un vêtement. Heureusement, dans nos contrées démocratiques, elle est rarement remise en cause par des couturiers révisionnistes. Même au fil des saisons et malgré les conseils de ses divers chaperons, Rennes continue d'affirmer certaines valeurs dans le choix de ses tenues. Le nom des rues, comme des sequins brodés sur la dentelle de pierre, nous permet un voyage dans le temps. Comme cette déambulation intuitive dans les ruelles aux pavés disjoints qui ouvre l'esprit à une poésie moyenâgeuse :

 

Était-ce bien rue de « la Femme sans Tête »

Qu'était la maison des « Truies qui Filent » ?

Ou bien rue de « La Psalette »,

Là où s'égayaient des angelots graciles ?...